• L'envie brûlait dans son regard.

    La fièvre flambait en ses yeux.

    Et brusquement, sans crier gare,

    Il se propulsa jusqu'aux cieux.

     

    Libre.


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  • Le couteau est sur la table. Le couteau est sur la table. Si facile à attraper... Le couteau est sur la table, je n'hésiterai pas à m'en servir. Tu es là, devant moi. Mes yeux t'ont montré le couteau. Et ils t'ont murmuré mes mots. Et tes yeux, les tiens, ont eu peur. Ils ont répondu d'arrêter. Et tu es là, devant moi, et le couteau est sur la table, mes yeux te montrent le couteau, les tiens me supplient d'arrêter, et je ne suis pas une enfant sage. Je ne l'ai jamais été, tu le sais. Tu recules, un pied, puis l'autre. Tu essaies de sortir. Tu essaies de sortir. Mais on ne fuit pas le destin. Le couteau est dans ma main.

    Le couteau est dans ma main. Le couteau est dans ma main. Le couteau est dans ma main, et je sais comment m'en servir. M'a main t'a montré le couteau. Tu continues de reculer. Mais c'est trop tard, maintenant. Embrasse-moi ! Prends-moi dans tes bras, enlace-moi. Murmure-moi des mots doux. Là, là, c'est tout... Lâche ce couteau, ne fait pas l'enfant. Si tu dis ça, je t'obéis. Mais tu ne dis rien, rien du tout. Tu continues de reculer. Tu es sorti de la cuisine. Presque. Mais je ne veux pas que tu t'en ailles. On est bien, tous les deux. On s'amuse. Je vais derrière toi, je ferme la porte. Avec la clé. La clé que je garde. Ah, elle scintille, la jolie clé ! Tu voudrais l'avoir, cette jolie clé, l'avoir, et la garder pour toi tout seul, en être le seul maître, en faire ce que tu veux... Mais tu ne peux pas, parce que la clé est dans ma main.

    La clé est dans ma main. La clé est dans ma main. La clé est dans ma main, et je viens de m'en servir. Tu la veux, la jolie clé ? Viens la chercher ! Ho, ho, ta main n'est pas passée loin ! Ho, ho ! Vraiment pas loin ! Tu l'avais presque, la jolie clé ! Mais c'est raté. C'est encore moi qui l'ai. La clé est dans ma main, la clé est dans ma main.

    Mes poignets sont dans tes mains. Mes poignets sont dans tes mains, dans tes mains, tes grandes mains, tes mains puissantes. Mes poignets sont dans tes mains. Le jeu s'est arrêté. Tu ne ris pas. Vraiment pas. Mes poignets sont dans tes mains, et tu me murmures des mots. Mais ils ne sont pas doux, tes mots. Ils sont durs, ce sont des pierres. Des vilaines pierres, pas rondes, des vilaines pierres qui veulent me blesser. Mais tes mots-pierres ne me touchent pas. Alors, c'est ton regard qui se durcit. C'est un couteau, comme celui que j'ai dans la main, ma main qui est bloquée par la tienne. Ce sont des couteaux, ils veulent me toucher, ils le veulent, très fort, et quand on veut on peut. Mais je ne veux pas qu'ils me touchent, et quand on veut on peut. Je ne veux plus ; c'est moi qui peux. Tes yeux-couteaux ne me touchent pas. Mes poignets ne sont plus dans tes mains. Ce jeu aussi, tu l'arrêtes.

    Le couteau est dans ma main. La clé est dans ma main. La clé est dans ma gorge. La clé est dans ma gorge. Tu la voulais trop, tu ne t'intéressais plus à moi. Alors la clé est dans ma gorge, plus de clé, plus que moi. Coucou, je suis là ! La clé est dans ma gorge ! Tes yeux ont peur. Ils me l'ont dit. Te l'ont-ils dit, à toi aussi ? Tu n'essaies plus de partir. Ah oui, c'est vrai, la porte est fermée. Tu ne peux pas. C'est dommage, fort dommage. Vraiment dommage. Tu es obligé de rester, là, avec moi, et le couteau dans ma main, et la clé dans mon estomac. Pourquoi as-tu si peur ? Tu n'aimes pas ça, être avec moi ? Ah oui, c'est vrai, tu me l'as dit. Le couteau était sur la table, quand tu me l'as dit. Maintenant il est dans ma main. Serre-moi dans tes bras. Embrasse-moi dans le cou. Murmure-moi des mots touts doux.

    Le couteau est dans ma main. Toi, tu es collé au mur. Tu me regardes, avec tes yeux qui ont peur. Toi aussi, tu as peur. Tu as peur de moi, ou du couteau ? Le couteau est dans ma main. Tu ne fais pas ce que je dis. Je suis un peu fâchée. Et si je te punissais ? Juste un peu, rien qu'un petit peu. Pour que tu reprennes goût au jeu. Le couteau est dans ma main.

    Le couteau est dans ton coeur. Le couteau est dans ton coeur. Le couteau est dans ton coeur, et j'ai très bien su m'en servir. Ça y est, tu me les murmures, tes mots doux. Mais que dis-tu ? Je ne comprends rien. Vraiment rien. Tu ne veux pas faire un effort ? Non, ce ne sont pas des mots. Des sons, juste des sons. Me voilà déçue. Mais qu'est-ce que c'est, là, qui coule de ton coeur ? Ce joli liquide rouge, épais, qui trempe ta chemise et la lame de mon couteau ? Qui coule, qui coule, qui coule ? Est-ce que c'est ton sang ? Tu as un très joli sang, bravo. Tu dois en être très fier. Ton sang est si joli ! Si tu permets, j'en prendrai un peu. Mon doigt est dans ton sang. Ton sang est sur mon doigt. Ton sang est sur mes lèvres. Ton sang est sur ma langue. Tu as un très bon sang. Bravo, tu dois en être très fier. Tu veux voir le mien ? Mon sang à moi, rien qu'un moi ?

    Le couteau est dans mon bras. Le couteau est dans mon bras. Le couteau est dans mon bras, et du sang coule, et c'est mon sang. Le couteau est dans mon bras. Tu l'aimes, mon sang ? Tu le trouves joli ? Tu le trouves bon ? Oh, tu regardes à peine ! Tes yeux sont à moitié fermés, et tu es tout pâle. Ça ne va pas ? Oh, le joli filet de bave, qui coule sur ta bouche. Il est rouge, comme ton sang. Tout aussi joli. Maintenant qu'on s'est montré nos sangs, embrasse-moi. Enlace-moi, dis-moi des mots doux. Oh, mais tu ne bouges plus. Tu es comme une poupée, une poupée de chiffon. Ce n'est pas drôle, pas drôle du tout. Je m'amusais tant, avec toi. Tant pis. Le jeu est fini. Je ne m'amuse plus. Tu n'es vraiment pas drôle, en fin de compte.

    Le couteau est dans mon coeur. Le couteau est dans mon coeur. Le couteau est dans mon coeur. Le couteau est dans mon coeur, et ça fait un peu mal. Le couteau est dans mon coeur. Mon sang coule, c'est joli. Pas comme celui de mon bras, non, il coule plus fort, et il mouille mon chemisier, et mon soutien-gorge. Oh, je me sens bizarre ! Je n'arrive plus à tenir debout ! Alors je m'assieds. Mon corps glisse contre le mur, mes fesses se heurtent au sol, et s'arrêtent. Je suis assise, et le couteau est dans mon coeur, et mon sang coule. Ça fait mal. Un peu. Comme avec mon bras. Non, un peu plus, peut-être. Tu es en face de moi. Assis. Tu ne bouges plus. Tu ne joues plus. Mais moi, je joue encore. Je joue au miroir. Je t'imite. Ma tête retombe sur mon sein. Je ne bouge plus. Tout comme toi, mon amour.

     

    Le couteau est dans mon coeur, le couteau est dans mon coeur, le couteau est dans mon coeur...


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  • Elle se détend. Enfin. Cela fait trois jours maintenant. Trois jours qu'elle n'a pas souri. Trois jours qu'elle ne t'a pas taquiné. Trois jours que sa vie a basculé. Trois jours qu'elle a cessé de vivre. Trois jours que tu n'es plus là. Tu voulais bien faire, mais tu ne pouvais pas. Tu pleurais pour elle, sans t'en trouver le droit. Tu voulais la laisser dans sa solitude. Tu voulais qu'elle aille mieux tu ne pouvais rien. Tu voulais pouvoir faire quelque chose pour elle. Contre tout ce qu'elle avait fait pour toi. Ce matin, il pleuvait. Tu t'es dit que ça ne pouvait plus durer. Tu es allé la voir, et puis tu as parlé. Longtemps, sans dire un mot, elle t'a juste écouté. Ses yeux trempés de larmes semblaient avoir séché. Puis tu t'es tu. Le silence a envahi la pièce, l'espace d'un instant. Cet instant était-il une seconde, une minute, une heure ? Tu n'en sais rien. Elle t'a bien regardé, et t'a pris dans ses bras. Et vous avez pleuré, tous deux, à l'unisson. Tu en avais le droit ; elle t'avait accepté. Jamais la douleur ne s'efface réellement.

     

    Et dans sept ans, dix ans, vous serez toujours là.

    L'un réconfortant l'autre, l'une sanglotant tout bas.


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  • Un pas. Puis deux. Le rythme se poursuit. Un pas. Puis deux. S'ensuit la mélodie. Un pas. Puis deux. Toujours, encore. Un pas. Puis deux. Un pas. Puis deux. Une colonne de lumière, venue d'on ne sais-où, fait danser la poussière. On le croirait. Les notes du piano font vibrer l'atmosphère. Un pas. Puis deux. Fausse note. Faux pas. Une cheville qui se foule. Une ballerine qui s'écroule. Les notes du piano se sont évaporées. Le rythme s'est rompu, la magie est brisée. Un son. Puis deux. Le rythme se poursuit.

    Sirènes d'ambulances...


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  • Elle courait dans la neige. Son châle, elle l'avait perdu depuis longtemps. Elle n'avait plus qu'un chemisier. Ses pieds nus et rougis s'engourdissaient un peu plus à chaque pas. Elle se sentait faiblir. Bientôt, elle arrêta de courir, et marcha. Une trace rouge la suivait, devenant rose à mesure que la neige la recouvrait. Ce n'était pas grand-chose, juste une petite coupure. Une petite coupure au doigt. Une simple petite coupure. Voilà.

    La tempête se faisait violence, le froid s'intensifiait. Pas après pas, seconde après seconde, sa vue se brouillait. Elle s'arrêta. Du blanc tourbillonnant, elle ne voyait que ça. Même la tâche rouge avait disparu de sa vue. Elle pouvait à peine distinguer ses mains. Mais elle devait continuer. Avancer, toujours tout droit. En dépit du vent qui soufflait en bourrasques intenses, menaçant d'emporter son joli minois. En dépit du froid, des aiguillons de glace qui s'insinuaient sous sa peau et la brûlaient.

    La lettre, elle n'allait pas la lâcher. Ses doigts gelés en étaient bien incapables. Peut-être faudrait-il lui en couper, un, ou deux, pour pouvoir récupérer la précieuse enveloppe cachetée.

    La tempête s'apaisa. Elle put de nouveau deviner les contours des bâtiments. Ses orteils gelés la faisaient souffrir, mais elle n'écoutait pas. Si elle s'arrêtait, prenait la moindre petite pause, elle ne repartirait pas. Elle le savait. Pire encore : elle n'arriverait pas à temps. Elle accéléra à cette seule pensée. Elle n'était plus très loin à présent. Plus très loin, non. Mais ses pieds refusèrent tout effort supplémentaire. D'un commun accord, ils l'abandonnèrent. Elle s'écroula sur le sol. Déjà, la neige commençait à la recouvrir. Elle ne se releva pas. Elle ne se relèverait plus.

    La petite messagère avait échoué.


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  • Aube. Soleil. Crépuscule. Lune. Aube. Soleil. Crépuscule. Lune. Aube ! Soleil ! Crépuscule ! Lune ! AUBE ! SOLEIL ! CRÉPUSCULE ! LUNE !

    Bam. Babam. Bam babam. Bam ! Bam. Babam. Bam babam. Bam !

    Cinq heures du matin. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Je n'avais jamais compris le réel sens de cette expression. Pour moi, ça n'avait toujours voulu dire que "Si tu te lèves tôt, tu pourras faire plus de choses dans la journée !".

    Bom. Bobom. Bom bobom. Bom ! Bom. Bobom. Bom bobom. Bom !

    L'homme fait rebondir ses mains sur ses bongos. Ce rythme effréné apaise le jeune garçon, debout devant sa fenêtre, parce qu'il s'est levé tôt et qui, à présent, contemple le spectacle. La main quitte le cuir tendu. Sous l'effet de la pression, il était descendu dans le trou de son socle. Maintenant, il remonte, il retourne vers le ciel rougeoyant. Bom ! Il est de nouveau descendu, la main s'est abattue sur lui. Mais déjà elle le quitte, et le cuir retourne vers le ciel.

    Bom. Bobom. Bom bobom. Bom ! Bom. Bobom. Bom bobom. Bom !

    Rapidité effarante. Cycle perpétuel qui semble ne jamais vouloir s'arrêter. Et l'homme musclé continue de frapper ses bongos. Et parce qu'il fait ce qui lui plaît, le monde lui appartient. L'enfant comprend, maintenant. Le monde appartient à cet homme parce qu'il fait ce qui lui plaît. Cet homme fait ce qu'il lui plaît parce qu'il s'est levé tôt. Parce qu'il s'est levé tôt, le monde lui appartient. Bientôt - trop tôt - le son des bongos s'estompera pour laisser place à celui des klaxons. Des milliers, des millions de klaxons hurlant à l'unisson pour se plaindre d'être frappé par des propriétaires énervés. Les morceaux de cuir tendus, eux, ne se plaignent pas. Ils respirent. Ils respirent parce que l'homme a la main ferme mais douce, qu'il est heureux, qu'il frappe de la bonne façon. Dans quelques heures, il aura revêtu un costume gris, noir ou bleu marine, avec une cravate, et s'énervera peut-être sur son klaxon comme des milliers d'autres autour de lui. Et le temps passe, et l'homme frappe ses bongos, continue de frapper ses bongos. Et le temps passe, et le musicien ne semble pas s'en inquiéter.

    Carpe Diem. C'est du latin. Ça veut dire "Profite du jour présent". Je l'ai appris à l'école. Enfin, au collège. Et le temps passe, et je grandis, et je suis déjà au lycée, et j'ai travail et je suis mort ! Mais calme, Carpe Diem, je ne suis que devant ma fenêtre, et le garçon regarde l'homme, et l'homme ne regarde pas le garçon, il frappe ses bongos, en rythme et cadence, et il frappe, et le monde lui appartient.

    Carpe Diem. Carpe Diem. L'homme semble l'avoir compris. Profite du jour présent, et continue de nous frapper, et continue de nous regarder et de nous écouter, de nous entendre, de dormir, de discuter au téléphone, le monde t'appartient parce que tu t'es levé tôt. Continue de nous frapper ! s'écrient les bongos. Continue, ne t'arrête pas, profite du moment présent et ne pense pas à la suite ! Ouvre ta fenêtre, profite de la douce chaleur du soleil pendant qu'il ne fait pas encore trop chaud, et prend ton temps, savoure chaque instant de ta vie, car tu ne les revivras pas. Savoure les instants, profite du moment présent, ouvre ta fenêtre et écoute-nous en goûtant la chaleur matinale du soleil sur ta peau jeune et frêle.

    Bom. Bobom. Bom bobom. Bom ! Bom. Bobom. Bom bobom. Bom !

    Et les bongos continuent de chanter, de chanter l'espoir, de chanter le cycle du jour et de la nuit, de chanter Carpe Diem, de chanter tout ce qu'il leur plaît, car le monde leur appartient, car ils se sont levés tôt. Moi, j'ai ouvert ma fenêtre. J'ai goûté les rayons matinaux du soleil. Ils sont pour toi, m'a-t-il dit. Parce que je t'appartiens, parce que tu t'es levé tôt. Bientôt, je vais devoir éclairer ton peuple, et tu ne pourras savourer mes rayons, car ils ne te seront plus destinés, mais destinés à toute une population. Mais tu es le maître du monde pour quelques instants, alors profite de ce moment magique et de ces rayons.

    Bom. Bobom. Bom bobom. Bom ! Bom. Bobom. Bom bobom. Bom ! Et, puis soudain, sans prévenir, il se met à pleuvoir. Mais il ne pleut pas de gouttes d'eau démoralisantes. Non, il pleut des mots. L'enfant ne peut les comprendre, ils sont prononcés dans un dialecte qu'il ne connaît pas, mais ce sont des mots tendres, chaleureux, des mots qui brillent comme des étincelles avant de s'envoler et de se confondre avec l'air chauffé par le soleil. Six heures. Comme le temps passe vite ! Mais tu ne dois pas t'en inquiéter. Carpe Diem. Carpe Diem. Carpe Diem ! CARPE DIEM ! AUBE ! SOLEIL ! CRÉPUSCULE ! LUNE ! AUBE ! SOLEIL ! CRÉPUSCULE ! LUNE ! AUBE ! SOLEIL ! CRÉPUSCULE ! LUNE ! Aube ! Soleil ! Crépuscule ! Lune ! Aube. Soleil. Crépuscule. Lune. Aube... Soleil... Crépuscule... Lune... Soleil... Crépuscule... Lune.


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